Pérou 2018

Alice Voisin, Bean to Bar: Explorateurs de chocolats
Juin 2018
[social_warfare]
Lima, premier contact avec la côte Pacifique

Des surfeurs et des joggeurs au petit matin. Pause gourmande chez Punto Azul avec un ceviche de langostino, une limonada et un pisco mule… La gastronomie péruvienne sera le point de départ et fil rouge d’un voyage inspirant aux origines du cacao.

Le Pérou possède non seulement un potentiel génétique précieux au niveau du cacao ainsi qu’une capacité organisationnelle aux niveaux du tissu des coopératives (Norandino, Acopagro, Aprocam, etc) mais ce pays montre également que certaines de ses chocolateries peuvent franchement rivaliser sur le plan des standards internationaux en matière des normes phytosanitaires, des labels de garanties bio et plus récemment en matière de marketing. L’attractivité des packagings des tablettes de chocolat est un élément déterminant dans le choix des consommateurs. Et cet aspect du marketing, la chocolaterie péruvienne Maranà l’a bien compris. Les illustrations qui apparaissent sur les emballages ont été confiées à des artistes locaux ou ont été puisé dans l’héritage collectif de l’univers créatif péruvien. Ajouter à cela un code couleur attrayant, et ficeler le tout avec la belle petite histoire de la marque et le tour est joué.

Giuseppe et Zulema ont inscrit leur démarche dans le mouvement « bean-to-bar ». Ils ont développé une éthique dans l’approvisionnement des fèves de cacao. Elles sont achetées en direct dans 3 régions du Pérou et payées à un prix rémunérateur pour les producteurs. La transformation des fèves se fait dans leur atelier à Lima – où ils torréfient, broient, raffinent, conchent, moulent les tablettes. C’est une petite structure qui controle toutes les étapes de la fabrication du chocolat.

La valeur ajoutée crée sur place est clé pour le développement de l’économie locale. C’est ce qu’on appelle le « raisetrade ». Au lieu d’exporter une matière première brute à faible valeur ajoutée, le pays exporte un produit fini à forte valeur ajoutée. Cela a plusieurs avantages : générer des recettes fiscales, créer des emplois directs et indirects, créer et conserver des compétences et un savoir-faire au niveau local. Tout ceci participe à la stimulation de l’économie locale et à l’amélioration des conditions de vie des différents acteurs de la chaine de production. En ce sens, cela a un impact plus élevé que le Fairtrade. Avec le raisetrade non seulement le prix payé à la ferme est souvent bien supérieur au prix du marché mais en plus la production est valorisée au maximum. Cela rompt avec le schéma classique des rapports commerciaux nord-sud. Ces pays se positionnent comme des concurrents crédibles sur la scène internationale.

1re escale: Cusco, capitale des Incas en plein coeur des Andes

…une ville vibrante d’histoire et de culture, une lumière exceptionnelle, un air vif et sec. Première escale d’un voyage qui nous emmènera à la découverte de deux régions productrices aux dynamiques historiques et sociales fort différentes. D’une part Cusco, Quillabamba et la vallée de l’Urubamba, d’autre part Tarapoto, région de San Martin, l’Amazonie péruvienne, située plus au nord du pays.

Le programme de ProPeru prévoit des journées et soirées bien chargées: session de dégustation de chocolats et pâtes de cacao, visites d’un jardin clonal, de l’institut de cultures tropicales, de coopératives de cacao et de café, mais aussi de la plus ancienne fabrique de thé du pays (Huyro).

Nous prenons la direction de Quillabamba et de la vallée de l’Urubamba. Nous visitons la coopérative partenaire de Marana: Alto Urubamba.

Ivan Murrugarra nous attend chez Cocla, une coopérative de cacao et de café, pour une dégustation sur pure pate de cacao chuncho, une variété endémique. Le profil aromatique identifié au niveau du chuncho : en attaque du fruit (jaune, tropical et citrique) : maracuya, mangue, mandarine ; ensuite des notes florales : rose, lys, violette ; pour finir sur des notes de panela, amandes, fruits secs. Ivan, cet orpailleur du cacao péruvien, a consacré déjà 6 années de sa vie à l’identification, la caractérisation, la classification des variétés de cacaos natifs au Pérou. Son travail l’a amené à collaborer avec Virgilio, le chef étoilé du Central et le Centro MIL. Il a identifié 7 autres variétés en plus des 10 variétés recensées dans l’étude de Motamayor. Il fait partie de ces rares personnes qui, chacune dans leur pays et à leur échelle, œuvrent à la sauvegarde et à la protection de la biodiversité du matériel génétique du theobroma cacao.

Au-delà de son travail de recherche botanique, Ivan expérimente en chocolaterie. Il torréfie sur fèves, sur nibs mais aussi sur liqueur. Il compare des niveaux de maturation de 3 mois à 8 mois sur masse de cacao. Après son travail de terrain dans la région de Piura où il a développé la marque de chocolat Magia Piura, il s’est intéressé au chuncho et a développé Cacao Mil. Au moment de quitter, dans la cohue du départ, il me refile 2 tablettes de chocolat de sa dernière production, un 70% et un 100% en chuncho.

2e escale et étape finale de notre voyage au Pérou: Tarapoto

Visite des installations de fermentation et de séchage d’Alto El Sol et de la coopérative Acopagro à Juanjui.

Cocoa not cocaïne

Rencontre avec Higor Jaramillo Falcon, manager général de la centrale de coopérative Cacao de Aroma à Tocache. Il est venu accompagné de Toribio Juarez, un producteur de cacao, ex-producteur de coca. Tocache…cette ville évoque encore pour beaucoup la terreur du narcotrafique des années 90. En ’95 le pays signe une convention avec les USA pour éradiquer la coca. Le paysage peut malheureusement encore en témoigner. Sur le haut des collines, la fumigation/pulvérisation des plants de coca a tout grillé. 15 ans plus tard, la nature n’a toujours pas repris le dessus.

Certains migrants sont retournés dans leur région d’origine. Certains comme Toribio sont restés. Après 2005, il a fallu se reconvertir vers une culture de substitution: Toribio a essayé le riz puis le cacao. Trouver des cultures assez rentables pour rivaliser avec les revenus tirés de la production de coca est peine perdue. Mais le sommeil tranquille, la stabilité de la région, la paix des villages n’a pas de prix.

C’est intéressant d’observer le paysage actuel du secteur cacaoyer péruvien au regard de son histoire et des décisions structurelles que le gouvernement a prises à l’époque.

Ainsi avec l’aide de l’agence américaine USAID le gouvernement avait lancé un programme de plantation de CCN51, un hybride hyperproductif. Fort décrié pour son impact négatif sur l’environnement et la préservation de la biodiversité du cacao, cet hybride a somme toute rempli son rôle en assurant une source de revenu stable pour ces familles. Aujourd’hui le CCN51 représente environ 60% du cacao planté dans la région de San Martin. Le reste est planté en cacao natif et hybrides universels.

Rencontre avec Mario et Italo de la coopérative de Bagua, près de Jaen: Une initiative super intéressante au niveau de la préservation du matériel génétique d’une variété native et de l’inclusion sociale d’une population indigènes les Awajun.

Mario recense des « superarbol », ce genre de cacaoyer qui, à plus de 60 ans produit XX cabosses par récolte. Il parcourt la foret et les anciennes plantations de la zone, les repère et les géolocalise à l’aide d’un système gps. D’après lui, il n’existe pas plus de 1 superarbol pour 1000 arbol. Il recueille ce matériel génétique et le propage. Ce n’est pas de l’amélioration génétique, c’est de l’identification et de la propagation génétique.

Notre business match making est au programme de la toute première édition du Festival de la Gastronomia Amazonica. 3 jours de festivités, d’échanges et de rencontres pour célébrer la cuisine locale et mettre à l’honneur les aliments de l’Amazonie péruvienne. Le cacao et son cousin le moyamba rivalisent aux coté du café, du yuca, du mani, du cœur de palmier, de l’aji, l‘achote, des poissons de rivière, et de la pharmacopée amazonienne, sang de dragon, etc.

Président de la république, ministre et gouverneur font le déplacement. L’événement rassemble également les meilleurs chefs de tout le pays. La priorité que donne le pays à son héritage gastronomique est claire.

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